Georges Tony Stoll

Georges Stoll

Charles-Arthur Boyer

Les pièces réelles du Spectacle du Monde comme du Théâtre de la Cruauté n’ont pas de lieu. Elles se jouent partout et nulle part, au plus profond de chacun d’entre-nous comme à la surface des apparences. Les œuvres d’art n’y échappent pas. Certaines, même, affirment ce qu’elles ont à dire à ce propos. Quelque chose de significatif sur le monde qui va les accueillir. Les photographies de Georges Stoll appartiennent à ce registre là de l’art. Et la simplicité d’expression qu’elles utilisent, la familiarité des scènes qu’elles évoquent ne doivent pas servir de masque à la profonde déstabilisation du déjà dit, du déjà fait qui les traversent, au contraire. Leur volonté perturbatrice sait, en effet, se faire presque invisible pour n’être que plus insoumise face à la contrainte, insistante face à la résignation, résistante face à la démission qui les entourent. “La majorité de monde ne veut pas profondément croire que cette violence qui continue à s’étaler sans fin autour de nous existe vraiment ni assumer que la source de cette violence est généralement familière.” (Georges Stoll) Ce à quoi un autre artiste (Sylvie Blocher) répondrait : “la violence c’est le lisse”. Aussi, les acteurs des petites scènes de la vie quotidienne, des petits travaux ménagers dont les photographies de Georges Stoll sont le cadre gardent eux les yeux ouverts face au monde comme face au flash de l’appareil photo. Leurs gestes se tendent sous l’énergie, l’intensité et de désir qui les parcourent, leur peau palpite selon les émotions qui les animent, leur chair se marque des coups qu’elle reçoit ; et leurs yeux sont irrémédiablement injectés de rouge. Ils expriment cela ; comme le fait que certains persistent à réclamer une liberté d’agir, de créer des choses en commun et de vivre ensemble, et attendent du monde qu’il se métamorphose pour qu’ils puissent trouver la place qui leur est nécessaire pour exister et jouer leur rôle dans la société, et non plus qu’eux se transforment pour exécuter le jeu de rôle que la société à réservé pour eux. Georges Stoll s’inscrit dans les personnages de ses photographies comme il s’inscrit dans son travail d’artiste comme il s’inscrit dans le monde dans lequel il vit. Sans être désespéré. Juste vivant. À nous d’être suffisamment présent pour tenter de lui répondre.

(Paru dans Purple Prose)

 

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