Georges Tony Stoll

Mark Morrisroe

MARK MORRISROE. Je ne sais pas, je ne comprends pas, je me sens en dehors de tout ce qui se passe autour de moi. À des moments je ne comprends pas ce que tous ces gens désirent des autres gens qui sont leurs semblables. Je parle de tout le monde, les hétérosexuels. Et je suis surpris de me mettre à me poser des questions, je veux simplement calmer ma surprise et peut-être ma peur. Alors ces gens me font peur. Ce n’est pas nouveau, ils se sont mis à m’effrayer, riches de leur efficacité, depuis les premiers temps où j’ai compris que j’aimais les hommes, le professeur de gym qui ne souriait jamais, mais que j’entendais éclater de rire dans le bruit de l’eau de la douche quand je passais devant les vestiaires des professeurs, oui, oui, je reconnaissais bien se voix dans son éclat de rire. Chaud et froid, froid dans le dos et chaud entre les cuisses, comment faire avec mon regard qui se spécialisait et que risquait-il de se passer ? Allait-il se passer un événement tellement formidable que ma vie serait transformée ? Tous ces mots que je répétais très doucement en rentrant chez moi dans le son brutal de l’éclat de rire qui me caressait tout entier. La peur, il est impossible de partager toutes ces questions. C’est tellement clair qu’il suffit d’apprendre à devenir un menteur et se protéger, sans savoir que cette peur va évoluer, devenir plus consciente et ainsi plus intelligente, et là, l’oublier et ne plus mentir. Aujourd’hui, si ces gens me font peur, la raison en est que je n’ai plus envie de vivre parmi eux, je veux les éliminer de ma vie, vraiment, et n’être  entouré que d’hommes ou tout seul. Ce n’est pas si grave, je me débrouille bien. MARK MORRISROE Je suis assis sur un strapontin dans le métro. Je suis penché, les coudes sur mes cuisses. Dans mon angle de vue, deux très belles paires de fesses, de cuisses, et plus bas, deux paires de pieds dans des chaussures de sport vaguement propres. Les quatre pieds dansent un peu, des petits pas, ensemble, presque emmêlés. Les cuisses remuent aussi et bien sûr, les deux paires de fesses. Je lève les yeux, ils doivent avoir 19-20 ans, un est arabe, l’autre pas. Ils sont liés devant mes yeux par les écouteurs du téléphone portable de l’un. Lui ferme un peu les yeux, l’air presque sérieux. L’autre le regarde, vraiment. Deux, trois heures plus tard, ou avant, je n’en sais rien, ils sont devant moi, un est entièrement nu, l’autre a gardé son maillot de corps sans manche, joli torse couvert. Ils sourient, ils disent des âneries en se passant le joint, ils bandent à moitié, j’aime leur queue, belles queues, elles leur vont bien. Il me demande ce que je fais, je dis que je suis un artiste qui fait des photographies aussi. Un se redresse, celui qui a gardé son maillot de corps, il gonfle légèrement son torse et il se met à bander durement. Je me lève, je vais mettre de la musique, ils ont l’air d’être satisfaits de mon choix, je souris, la musique est de celle que j’écoutais quand j’avais leur âge et ils la connaissent bien. ils remuent en chœur leur joli cul sur le canapé et ils éclatent de rire. Je ne comprends pas la raison pour laquelle ma vue se brouille, ils sont devant moi, mais étrangement enveloppée par une brume à l’arôme sucrée, que je m’empresse d’avaler la bouche grande ouverte. Je les entends gémir, ils sont presque des ombres, et je ferme les yeux, lentement. Je suis chez moi. MARK MORRISROE Tes photographies ne sont pas très grandes, elles sont bien dans cette galerie. Les deux propriétaires, Hugue et François, dont je trouve les barbes rousses un peu trop longues, me regardent de concert en coin. Moi, ce que je sens est bien que le cadre de tes photographies est immense. Nous sommes ensemble, 7 ou 8, la musique est bonne. Wanda a gardé son soutien gorge rouge et sa culotte assortie. Denise est nue après un streap endiablé à la Sylvie Vartan qui nous a fait bien rire puisqu’elle avait choisi pour finir par exhiber sa belle chatte «  je pardonne au chien qui a mordu ma main-en, la la la la la la la lalala, mais pas à toi, pas à toi-ahan ». Wanda est jalouse de ne pas être si en forme, et elle exige de nous, les garçons, des baisers baveux, mais bien baveux (je ne pourrais plus, oui, c’est clair, je ne pourrais plus. Wanda, tu me manques). Nous les garçons, nous sommes tous à poil, sauf Bernard qui a gardé son tee-shirt, puisqu’il trouve que ses belles fesses poilues sont sublimes lorsqu’elles apparaissent de ce morceau de tissu. Bien entendu, nous passons notre temps dans de telles conditions, à donner des baisers aux fesses de Bernard, surtout Wanda et Denise, qui est jalouse d’aussi belles formes musclées et qui en profite pour les baiser trois à quatre fois plus que chacun d’entre nous. Tout va bien sur ce bâteau, PD and Co, joli nom. Le temps du voyage est infini. Le temps n’est plus qu’un espace que nous traversons parfois les yeux bandés. MARK MORRISROE. Il faut chercher le bien être par une nouvelle conception du travail humain, plus exigeante, qui demande quelque chose à son âme, son esprit, son intuition, son inspiration, à son imagination. Il faut chercher seulement et tout le temps, à définir la limite qui nous caractérise en tant qu’entité. Cette limite doit nous permettre de nous affranchir et de trouver notre place dans le monde, notre relation à l’autre. Ce que je veux montrer dans mon travail, ce sont des tentatives pour échapper à l’emprisonnement à vie, échapper à des modes sociaux instruits depuis toujours. Ces tentatives sont des flagrants délits que tous nous pouvons mettre en œuvre. Les hommes dans mes photographies sont comme des pierres, comme un souffle. La photographie est un support efficace et je suis un regardeur pressé. MARK MORRISROE. À mon âge, je ne peux parler que de lointain, là, en face de moi, cette fameuse brume sucré, où l’écho des éclats de rire se répercutait sur tous les murs de la ville, marcher l’été dans les rues torse nu, pieds nu, s’embrasser devant les autres et éviter agilement, mais surtout gracieusement, les balles que ces autres nous envoyaient. C’était finalement très bon d’être vus comme des ennemis, c’était juste et nous n’avions pas peur. Je continue à n’avoir pas peur. MARK MORRISROE. Tu es toujours là, quelque part, à ta place, dans mon territoire de l’abstraction, qui a failli être éliminé. Je suis encore là, et ainsi toi aussi tu es encore là. Tes photographies me regardent et elles me sourient calmement. Je suis encore là. « COUPE OPRAH ! JE NE VEUX PAS QU’ELLE VOIT CA ! » LES DERNIERS MOTS DE MARK MORRISROE.

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