Georges Tony Stoll

Images-Voix – 2004

 

 

Dans une salle, très éclairée par le haut, les murs sont blancs, ou éclaire par une lumière rouge ou bleu ou jaune. Ils sont vides de toutes images. La voix d’un homme traverse l’espace de la salle, elle décrit chaque photographie d’une série de 33. Aucune des photographies de cette série n’est présente sur les murs de la salle. La voix de l’homme est calme, distante, sans expression particulière. Elle garde tout au long des descriptions la même intensité, la même distance descriptive.

Photographie n° 1
Un homme nu se tient debout devant une porte peinte d’un bleu vif posée contre un mur. L’homme et la porte sont dans un coin dont le sol est un damier de carreaux noirs et blancs. L’homme soulève sans effort un long rectangle fait dans un tissu qui paraît suffisamment rigide pour que ce rectangle lui serve de paravent. Mais rien dans la manière qu’il a de soulever le rectangle ne sous-entend qu’il cherche à cacher en partie son visage et sa nudité. De la base du rectangle apparaissent les pieds de l’homme dans des chaussettes de grosses laines.

Photographie n° 2
Un sac en plastique de grande taille et d’une couleur rouge vif s’étale de tout son long sur la surface d’une porte. Le sac est retenu par le haut par un petit morceau de scotch épais. La porte ouvre une pièce dont apparaissent les deux carreaux d’une fenêtre qui sont d’un noir profond, alors que les murs et la porte sont totalement blancs. Une lumière blanche chauffe la surface du sac qui se transforme alors en une langue en sang.

Photographie n° 3
Deux chaises, séparées seulement d’un mètre, se font face à face par leur dossier. Sur le dossier de la chaise de droite est enfilée une veste de costume d’une couleur crème, alors que sur celui de la chaise de gauche est enfilée une veste de costume d’une couleur sombre, peut-être bleue. Les deux chaises sont installées dans un espace dont le sol est fait de lattes de bois d’une teinte marron foncé. Le mur derrière les deux chaises est peint d’une couleur gris clair passée et devient dans la lumière blanche un écran brumeux.

Photographie n° 4
Une boule recouverte de bandelettes dorées et ses deux excroissances coniques deviennent une tête de chat. Cette tête repose sur un petit cylindre en or lui aussi, le tout au centre d’une surface en bois vernis qui renvoie donc l’image inversée de la tête de chat. Derrière, sur un panneau en bois blanc ont été écrits en ligne des suites de petits chiffres …67, 68, 69, 70, 71, 72 , 73… et en dessous …185, 186, 187, 188, 189, 190. 191… La lumière naturelle venant de la droite renforce précieusement le volume doré de la tête de chat et son équilibre sur le petit socle.

Photographie n° 5
Un homme est de dos, la tête légèrement baissée vers l’avant, presque contre un écran dont la toile est en plastique noir. L’homme tend son bras gauche vers l’extérieur, et il porte sur l’arrière de l’épaule une croix faite avec deux bandes de scotch rouge. La lumière blanche éclaire totalement le dos nu de l’homme et la croix rouge, et devient  une constellation de petites étincelles argentées, qui s’éclate à la gauche de sa tête sur la surface plastique de l’écran qui n’est pas cachée par le haut du corps de l’homme.

Photographie n° 6
Dans un espace de grande taille, coincés entre deux murs peints d’une couleur rouge poussiéreuse, sont installés avec une certaine organisation un ensemble d’objets reconnaissables : deux colonnes de cartons pleins, des rouleaux de toile cirée jaune, violet, orange, certains déroulés en partie, un monceau d’outils, pinces, scies, marteaux, tenailles, ainsi que trois sacs en plastique noirs de grande taille, pleins et ronds. Le sol est fait de lattes de bois peintes d’un blanc sale, et l’installation est violemment éclairée par le haut. La couleur des murs et la lumière des projecteurs transforment les objets en sculptures étonnantes.

Photographie n°7
Un homme porte un costume qu’il a dû confectionner lui-même dans un tissu en papier d’un jaune vif. Il colle l’avant de son corps contre un mur recouvert du même tissu, et dans lequel il a l’air de vouloir disparaître. Son crâne rasé, ses deux bras et ses pieds nus l’empêchent certainement d’y arriver.

Photographie n° 8
Un homme dont on ne voit que le torse et le haut des jambes est allongé sur un bandeau de toile cirée de couleur rose fuchsia. Il porte un tee-shirt blanc et un pantalon en jean usé. Sa main gauche repose mollement sur son ventre. De la poche gauche de son pantalon, une éruption de matière brillante de couleur bleue s’étale sur le haut de la cuisse et les coulées dessinent là une étrange trame de vaisseaux fins.

Photographie n° 9
Un homme nu est assis à une table, devant une fenêtre dont le store blanc a été baissé. La table est recouverte d’un tissu imprimé de cercles rouges sur fond marron foncé. Le dos de l’homme est très droit et sa main gauche est cachée entre ses cuisses. L’homme regarde calmement. Posée sur le bout de la table, à la gauche de l’homme, une figurine en carton, la tête et le torse rayés de bandes noires et blanches, regarde elle aussi calmement.

Photographie n°10
Un homme devant un morceau d’écran noir est habillé d’une chemise blanche au col grand ouvert. Il lève les deux mains vers le haut autour de sa tête comme s’il venait d’être surpris en train de fauter, comme s’il était menacé. Ses yeux et sa bouche sont fermés par des ovales de même taille et de couleur rouge magenta. L’expression du visage de l’homme reste indifférente, presque molle, alors que les ovales collés sur ses yeux et sa bouche accentuent une impression comique dans son attitude.

Photographie n° 11
Une forme en tissu d’un rouge vif dessine sur un mur une espèce de flaque suspendue. Devant cette flaque, le bras d’un homme est tendu vers le haut et se finit par un poing excessivement serré. La lumière blanche éblouit le bras et le poing tendus et elle les double d’un galon d’un noir très profond.

Photographie n° 12
Une tente de toile verte doublée de jaune occupe la majeure partie d’une pièce au plafond bas. Par l’ouverture de la tente, dépasse un rassemblement de jambes nues d’hommes ou de mannequins en cire, raides et immobiles, qui disparaissent dans un tas de vêtements défaits. Devant la tente, un minuscule banc d’enfant peint en blanc est entouré d’un désordre de vaisselles sales en plastique bleu, d’un paquet de chips à moitié vide et d’un cendrier plein de mégots éteints.

Photographie n° 13
Deux hommes sont face à un mur. Celui de droite est de profil, il porte un costume sombre et regarde au loin vers la gauche. Celui de gauche est de dos, il porte lui aussi un costume, il est penché légèrement en avant et tend un doigt de sa main droite vers le mur. Sur le mur, un morceau épais de viande rouge est suspendu par une longue bande de scotch, comme un trophée ou comme une preuve. Le morceau de viande est exactement entre les deux hommes et l’homme de droite n’a pas l’air d’être préoccupé par cette présence, alors que celui de gauche a l’air de la montrer.

Photographie n° 14
La tête et les épaules d’un homme torse nu disparaissent à l’intérieur d’un sac en tissu blanc. Ses bras sont croisés sur son torse et ses mains disparaissent elles-aussi à l’intérieur du sac. La forme du sac transforme l’homme en une moitié de fantôme grotesque.

Photographie n° 15
Un homme se tient droit devant un canapé, dans une pièce où règne un désordre indescriptible. L’homme porte un lacet fin en cuir autour du cou, un short blanc et une paire de chaussures de marche. Près de l’homme pend bizarrement du plafond une corde. L’homme écarte les bras, ses mains sont grandes ouvertes, sa tête est renversée, et, de sa bouche, il éjecte un jet d’eau transparente, comme une fontaine.

Photographie n° 16
Un homme se tient droit devant une chaise qu’il cache avec son corps. Sur le sol, à la droite de la chaise, traînent un sac en plastique contenant quelque chose qu’on ne peut pas voir et un petit haut-parleur noir, le tout entouré par un réseau peu important de câbles électriques. L’homme porte un costume foncé, une chemise blanche et une cravate en laine noire. Ses bras pendent le long de son corps et ses pieds sont rapprochés. L’homme est immobile, son regard est absent, il paraît calmement figé.

Photographie n° 17
Trois visages d’hommes, collés expressément les uns aux autres apparaissent dans la lumière totale qui éclairent ainsi le lien très fort qui les relie. Leurs yeux, aux pupilles claires éclatées, sont grands ouverts, comme leur bouche. Celui du milieu a les lèvres violettes, celles des deux autres ont une couleur naturelle. La lumière blanche ne les éblouit pas, car les trois visages cherchent à être vus, la lumière les illumine.

Photographie n° 18
Dans un couloir dont les portes sont toutes peintes en gris mat et sur lesquelles sont fixés de petits écriteaux en métal doré vieilli, un homme à genoux détache énergiquement d’un rouleau un sac en plastique d’un bleu vif. Il porte un débardeur blanc et un pantalon de ville sombre et ses pieds sont nus. Derrière lui, sur le sol, une ligne droite bleue creuse le couloir d’un sillon lumineux.

Photographie n° 19
Une paire de vieilles chaussures de sport traînent sur un sol d’une couleur orange, face à un écran d’un rouge éteint. Au-dessus de la paire de chaussures de sport, pend, au bout d’une fine corde, une grosse goutte en matière plastique jaune tachetée de bleu. Apparaît le bras d’un homme dont la main est tendue vers la paire de chaussures de sport, une main qui veut éviter peut-être à la chaussure de sport de recevoir la goutte, mais qui a du mal à l’atteindre.

Photographie n° 20
Un homme se tient devant une porte fermée. Sur le sol, entre l’homme et la porte, sont empilés un sac de voyage vide, des vêtements pliés, des chaussures, des journaux, et même sur le côté, une petite bombe aérosol au capuchon gris argenté. L’homme est de dos et il porte un slip de couleur bleu marine. Il croise ses mains au niveau du bas de son dos comme quelqu’un qui attend patiemment que quelque chose se passe, et il montre ainsi l’intérieur de ses mains qui est peint en bleu cyan.

Photographie n° 20
Une chaise est appuyée contre un mur peint d’une couleur pâle indéterminée. Sur le sol, fait de lattes en bois marron, à la droite de la chaise, serpentent une prise blanche et son fil électrique. Le dossier de la chaise est caché par un tableau, la représentation d’une forme rose bizarre avec un œil central de couleur bleue. Sur le siège de la chaise, devant le tableau, est posée une poêle à frire d’où émergent deux cornes de diable en plastique rose.

Photographie n° 21
Un homme porte un tee-shirt sur lequel est écrit au feutre un texte de quelques lignes et dont les mots sont en lettres majuscules. L’homme a la tête penchée vers son torse, ses deux bras sont relevés vers l’avant, et il est sûrement en  train de dire à haute voix le texte écrit. Dans les plis du tee-shirt, on peut lire … il doit apprendre… préfère son couteau… jaune dans la nuit invisible… pieds affamés de terre…

Photographie n° 22
Deux hommes se tiennent droits devant un mur recouvert d’un panneau en bois peint en blanc. Le plus petit des deux  est un peu en retrait par rapport à l’autre. Ils portent des costumes sombres presque identiques, des chemises blanches et la cravate du plus grand est de couleur rouge alors que celle de l’autre est grise. Un peu plus loin, sur le panneau en bois, est fixée en hauteur une forme ovale peinte en rouge magenta, comme un troisième visage, et sur le sol gris clair, sont alignés en ligne contre le mur, trois petits tasseaux de bois. Les deux hommes regardent calmement, sûrement.

Photographie n° 23
Un homme se tient droit dans un espace blanc dont le sol est fait de dalles en plastique grises. Il est de trois quart, son torse est nu, il porte un pantalon Adidas rouge aux trois bandes blanches et une paire de chaussures de sport d’une marque non identifiable. Sa tête légèrement penchée vers l’avant est entièrement recouverte de bandelettes de scotch épais d’une couleur marron clair. L’homme  redresse son avant-bras droit et serre son poing. Les bandelettes lui font une autre tête bizarre et rendent son geste extrêmement tendu.

Photographie n° 24
Un bandeau d’une couleur bleue et d’une matière indéfinissable est tenu en hauteur par un homme dont n’apparaissent que le coude gauche et un morceau de son torse nu. Derrière l’homme, sur une chaise traîne un morceau de plastique transparent, et derrière la chaise, un bandeau de toile cirée couleur chair descend le long d’un mur.

Photographie n° 25
Un homme nu est assis sur une chaise. Derrière la chaise, un bandeau de toile cirée couleur chair s’étend sur un mur depuis le plafond. Le haut du corps de l’homme est entièrement à l’intérieur d’une housse en plastique transparent. L’homme penche légèrement la tête en avant, il écarte les deux mains loin de son torse et ressemble ainsi à une sculpture vivante.

Photographie n° 26
Un ovale est dessiné avec de la peinture rouge sur le torse nu d’un homme. À l’intérieur de l’ovale, est dessinée une constellation de sept grosses croix de la même couleur.

Photographie n° 27
La maquette en plastique noir de ce qui doit être un cirque de trois montagnes est posée sur une table dont le plateau est recouvert d’un tissu jaune vif. Du coin supérieur gauche de la table, émerge le bras d’un homme dont les doigts de la main simulent une paire de jambes qui se dirigent directement et sûrement vers les montagnes.

Photographie n° 28
Une construction, faite de tasseaux de bois d’une hauteur de deux mètres, est installée dans un coin dont le sol est recouvert de carreaux noirs et blancs organisés en damier. Les tasseaux se soutiennent par le haut en un point central et forment ainsi l’architecture de ce qui pourra être un tipi, une cabane pour enfant ou un refuge pour adulte. La base des murs qui forment le coin est recouverte par un alignement de panneaux  d’isolation de couleur jaune vieillie. Les panneaux pourront servir à la réalisation des façades de la construction. Mais la construction et l’alignement des panneaux ne sont peut-être que des sculptures solitaires.

Photographie n° 29
Deux hommes se tiennent droits devant un mur tendu d’un tissu en papier d’un jaune vif. Les visages des deux hommes sont masqués avec des morceaux de tissu troués aux yeux et à la bouche. Le masque de l’homme de gauche est de couleur bleu et celui de l’homme de droite de couleur rose. Les deux hommes sont nus, ils ont chacun un verre de vin rouge à la main, leurs avant-bras légèrement tendu vers l’avant, prêts à trinquer.

Photographie n° 30
Un homme torse nu nous regarde  calmement, la bouche légèrement ouverte. Il est moustachu, barbu, et il porte une boucle à son oreille gauche. Il a les bras tendus, il montre ses deux mains enfilées dans des gants de cycliste dessinés de bandes  noires et blanches.

Photographie n° 31
Le même homme nous regarde aussi calmement, la bouche légèrement ouverte, mais il croise ses deux mains gantées sur le haut de son torse.

Photographie n° 32
Un homme nu est allongé sur le ventre sur un rectangle de toile cirée rose chair. Le sol est recouvert de carreaux noirs et blancs organisés en damier. À la gauche de l’homme, une porte bleue repose contre un mur, et en face de l’homme, sur l’autre mur, une longue étagère court en hauteur. Sur l’étagère, on remarque la présence d’un objet qui ressemble à une grosse poulie. La poulie est presque dans l’axe du corps de l’homme qui étrangement tient ses deux fesses entre ses deux mains.

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